C’est un secret de Polichinelle, mais cette fois, les preuves sont sur la table : le Groupe Bernard Hayot (GBH), géant omniprésent en Outre-mer, se gave littéralement sur le dos des habitants. Une enquête de Libération dévoile comment cette multinationale impose des marges indécentes sur les produits de première nécessité, plongeant un peu plus les territoires ultramarins dans la précarité.
GBH, c’est 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec un contrôle quasi total des marchés : grande distribution, automobile, agriculture… Rien n’échappe à son emprise. En Martinique, par exemple, les prix alimentaires sont en moyenne 42 % plus chers qu’en métropole. Et côté bagnoles, c’est pas mieux : vendre une Dacia ou une Renault rapporte entre 18 % et 28 % de marge nette, soit trois à quatre fois plus qu’en métropole. Une concession peut ainsi se mettre 5 000 euros dans la poche sur une voiture à 20 000 euros.
Silence dans les rangs
Le groupe cultive une véritable omerta. » Aucun chiffre ne doit filtrer, même en interne « , rapporte un cadre, écoeuré par les pratiques de son employeur. Les marges sont masquées, les prix gonflés, et même les constructeurs sont enfumés. Lors de visites commerciales, les tarifs affichés sont trafiqués pour cacher les bénéfices réalisés.

Quand GBH tente de justifier ses tarifs exorbitants, l’excuse tombe à plat. » Les frais d’approche « , disent-ils. Mais selon Libération, l’octroi de mer et la TVA locale n’expliquent pas les écarts de prix astronomiques. En clair, ce sont les habitants qui trinquent pour engraisser la machine à profit.
Héritage colonial
Ne nous voilons pas la face : cette hégémonie trouve ses racines dans l’histoire coloniale. Bernard Hayot, descendant d’une famille de colons martiniquais, a bâti son empire sur l’exploitation de » l’or blanc » – le sucre – et la sueur d’esclaves. Aujourd’hui, son groupe profite d’un quasi-monopole, captant jusqu’à 37 % du marché alimentaire à la Réunion.
Pendant que les ultramarins peinent à boucler les fins de mois, GBH affiche des marges dignes d’un jackpot. Et malgré les enquêtes parlementaires ou les révoltes populaires, l’État, comme toujours, continue de détourner les yeux.
Les habitants des Antilles, de la Réunion, de Kanaky ou de Mayotte n’ont pas besoin de discours. Ils ont besoin de justice. Face à l’avidité de groupes comme GBH, la lutte doit s’intensifier pour briser ce cercle vicieux d’exploitation. Car en Outre-mer comme ailleurs, la dignité ne se marchande pas.