Des gisements de métaux dits critiques – nickel, cuivre, lithium – sont exploités à des fins prétendument durables, mais les projets ravagent des terres ancestrales et poussent des communautés entières à l’exil. Sous prétexte de fournir les matériaux nécessaires à la fabrication de batteries ou d’éoliennes, ces projets imposent une industrialisation brutale qui menace l’équilibre des écosystèmes et des peuples autochtones.
Rick Cheechoo, membre de la Première Nation cree, illustre cette catastrophe en évoquant les » terres respirantes » du nord de l’Ontario, un immense complexe de tourbières considéré comme l’un des plus grands puits de carbone au monde. Ces tourbières, qui séquestrent des quantités massives de carbone, sont désormais rebaptisées » Ring of Fire » par les entreprises minières qui rêvent d’y extraire des métaux précieux. Mais le drainage de ces zones relâcherait des milliards de tonnes de CO₂ et de méthane, aggravant la crise climatique que ces projets prétendent combattre.
Une transition énergétique aux accents coloniaux
Dans les seules provinces du Québec et de l’Ontario, plus de 700 000 permis miniers ont été attribués, tous sur des terres autochtones. Ces terres ne sont pas des zones désertes : elles abritent des communautés qui vivent de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Mais les autorités canadiennes et les entreprises extractives semblent ignorer ces réalités. Le système du » free mining « , vestige colonial du XIXe siècle, permet d’obtenir des permis en un clic, sans consulter les communautés concernées. Ces permis ouvrent la voie à des forages et à la construction de routes, dévastant des écosystèmes uniques.
Le projet » Strange Lake « , au Québec, en est un exemple criant. Cette mine de terres rares, présentée comme indispensable pour les technologies vertes, menace les territoires de chasse et de pêche des Innus, des Inuits et des Naskapis. Pire encore, une raffinerie serait construite à proximité de la réserve de Uashat, où vivent 1 500 membres de la Première Nation innue. Cette installation, censée traiter mille tonnes de terres rares par jour, générerait des millions de tonnes de résidus radioactifs, contaminant l’eau potable et les sols.
Pour les Premières Nations, ces projets ne sont pas seulement des atteintes à leurs terres, mais aussi une continuation directe de la logique coloniale. Le Canada, malgré ses excuses officielles pour le » génocide culturel » des pensionnats autochtones, continue de négliger les droits des peuples premiers. Les pensionnats, où des milliers d’enfants ont été enlevés à leurs familles et soumis à des abus, visaient déjà à déraciner les communautés pour faciliter l’exploitation des terres. Aujourd’hui, cette exploitation se poursuit sous des formes différentes mais tout aussi destructrices.
Elysia Petrone, avocate ojibwée, souligne que les entreprises minières profitent du traumatisme colonial. Les addictions, la pauvreté et le manque de ressources dans les réserves affaiblissent les capacités de résistance des communautés. » Les compagnies s’appuient sur nos fragilités pour avancer leurs projets « , dénonce-t-elle.

Des résistances locales et internationales
Malgré ces attaques, les Premières Nations continuent de se battre. À Montréal, le Western Mining Action Network réunit chaque année des communautés affectées par l’extraction minière. Ces rencontres permettent d’échanger des stratégies, de pleurer ensemble les ravages subis, mais aussi de construire une solidarité internationale.
Certaines victoires sont significatives. En octobre 2024, les Algonquins du lac Barrière ont remporté une bataille juridique contre le gouvernement du Québec, qui avait attribué des permis d’exploration sans les consulter. La Cour suprême a reconnu leurs droits territoriaux, ouvrant la voie à l’annulation potentielle de milliers de permis. Mais ces victoires restent précaires : le gouvernement québécois a déjà fait appel de cette décision.
Les discours officiels parlent de transition énergétique, mais pour les Premières Nations, cette transition est une imposture. » Si nous préservons nos terres, nos forêts et notre eau, nous aurons quelque chose pour résister au changement climatique « , insiste Donna Ashamock, membre du réseau Indigenous Climate Action. Selon elle, la mine n’apporte qu’une vie de dépendance et de pollution. Les communautés autochtones proposent une autre voie, celle d’une relation respectueuse avec la nature, en opposition frontale avec la logique extractiviste.
Les gouvernements canadiens et européens, pourtant, continuent de vanter ces projets comme indispensables. En réalité, ces mines servent avant tout à alimenter les profits des multinationales et à maintenir la domination des puissances occidentales dans la guerre économique globale. Ce n’est pas une transition, c’est une destruction – et ce sont les peuples autochtones qui en paient le prix.
Un appel à la solidarité
Face à cette nouvelle vague de colonisation industrielle, les Premières Nations appellent à la solidarité internationale. Leur combat pour protéger leurs terres est un combat pour la planète entière. Les tourbières de l’Ontario, les forêts boréales du Québec ou les homards pêchés par les Innus de Sept-Îles ne sont pas seulement des ressources locales : ce sont des trésors écologiques mondiaux, essentiels à la lutte contre le changement climatique.
Les peuples autochtones ne demandent pas la charité, mais le respect de leurs droits et de leur savoir ancestral. Leur vision du monde, axée sur la préservation des écosystèmes et la coexistence harmonieuse avec la nature, est une alternative puissante à l’extractivisme destructeur promu par les grandes entreprises et les États complices.
En défendant leurs terres, les Premières Nations nous rappellent une vérité fondamentale : la lutte pour la justice écologique est indissociable de la lutte contre le colonialisme et l’oppression. Ce qui est en jeu au Canada n’est pas seulement le sort de quelques communautés isolées, mais l’avenir d’une planète qui ne peut plus se permettre les ravages d’une économie fondée sur la destruction.