Dans l’ombre de la réussite académique : Précarité étudiante, un instrument de sélection et d’exploitation

Le visage de l’enseignement supérieur en France a subi une métamorphose radicale, ébranlant l’idée préconçue de l’étudiant bourgeois des années 60. La massification de l’accès à l’université, loin de démocratiser pleinement l’enseignement, a révélé une réalité sombre : la précarité étudiante comme instrument de sélection sociale et de flexibilisation du travail. Une enquête récente menée par le collectif étudiant Le Poing Levé met en lumière cette situation préoccupante.

L’étude, menée auprès de plus de 6 000 étudiants dans toute la France, révèle que 85 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté malgré leur travail en parallèle des études. Ces conditions de vie précaires ne sont pas accidentelles mais systématiques, servant à justifier une sélection universitaire tout en créant une main-d’œuvre flexible et peu coûteuse, influant ainsi sur l’ensemble des salaires.

Le témoignage d’Erell, étudiante en histoire à l’université de Rennes et membre du collectif, apporte un éclairage crucial sur la méthodologie rigoureuse de l’enquête. Cette étude couvre un large éventail géographique et social, allant des amphithéâtres aux résidences universitaires, assurant ainsi une représentativité fiable des données collectées. En dépit de ces chiffres alarmants, le rapport révèle une tendance encore plus inquiétante : une inaccessibilité croissante au logement. Les étudiants sont souvent contraints de vivre dans des conditions déplorables, marquées par l’insalubrité et l’exiguïté des logements.

La pauvreté massive parmi les étudiants, exacerbée par l’inflation actuelle, a un impact direct sur leur alimentation et leur mobilité. Des produits alimentaires essentiels voient leurs prix grimper de façon vertigineuse, tandis que les transports, cruciaux pour rejoindre leurs familles, deviennent de plus en plus onéreux. Ces difficultés matérielles se répercutent de manière frappante sur la santé mentale des étudiants, avec 82 % d’entre eux se déclarant anxieux ou angoissés.

Le travail étudiant, souvent perçu comme une solution, devient en réalité un autre facteur de précarité. Bien que 54 % des étudiants travaillent à côté de leurs études, souvent dans des conditions précaires et mal rémunérées, cela ne suffit pas à les éloigner du seuil de pauvreté. Le système des alternances, stages et apprentissages, présenté comme une opportunité, s’avère être un moyen de pression sur les salaires et les conditions de travail de l’ensemble des travailleurs.

La précarité étudiante n’est pas une simple conséquence de la massification de l’enseignement supérieur, mais une stratégie délibérée. Elle vise à exclure les classes populaires de l’enseignement supérieur, favorisant un système élitiste tout en fournissant une main-d’œuvre bon marché. Les réformes éducatives récentes s’inscrivent dans cette logique, en orientant de plus en plus tôt les jeunes des classes populaires vers le marché du travail, loin des bancs de l’université.

Cette situation alarmante appelle à une prise de conscience collective et à une action immédiate. La précarité étudiante, loin d’être une anomalie, est un symptôme d’un système universitaire de plus en plus inégalitaire et d’une société qui valorise le profit au détriment de l’éducation et du bien-être de ses jeunes. La lutte pour une éducation accessible et de qualité pour tous est plus que jamais d’actualité, nécessitant un engagement fort de toutes les parties prenantes – gouvernement, universités et société civile – pour garantir un avenir meilleur et plus juste pour les générations futures.

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