L’accord Hamas-Israël : un piège diplomatique en deux versions

Derrière l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas se cachent deux récits radicalement opposés. La version officielle trace un chemin vers la paix, mais celle de Netanyahou et ses alliés révèle une stratégie prête à saboter la phase 2 pour relancer la guerre. L’article du Haaretz traduit

Il existe deux versions de l’accord de cessez-le-feu et de libération d’otages qu’Israël et le Hamas viennent de conclure. La première version est le document officiel, qui est presque identique aux projets divulgués lors des précédents cycles de négociations.

La seconde version est l’accord tel qu’il a été décrit par le bureau de Benjamin Netanyahu et ses fidèles dans les médias israéliens et américains. Les écarts entre ces deux versions représentent une tentative de la part de M. Netanyahou d’effacer une vérité dérangeante concernant cet accord, à savoir qu’il aurait pu être conclu il y a plusieurs mois, lorsque certains otages tués ou assassinés au cours de l’été étaient encore en vie. Mais cela nous apprend également quelque chose de plus grave : même après l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu, M. Netanyahou pourrait tenter de saboter sa deuxième phase pour relancer la guerre.

Le texte de l’accord trace une voie claire vers la fin de la guerre en échange de la libération de tous les otages. Dans un premier temps, un groupe de 34 otages – dont la majorité est en vie – sera libéré au cours d’une période de 42 jours, pendant laquelle Israël se retirera de la majeure partie de Gaza, laissant quelques forces dans une  » zone périmétrique  » définie à la limite orientale de l’enclave côtière.

Ensuite, la deuxième phase de l’accord est censée commencer, au cours de laquelle Israël recevra les otages vivants restants – principalement des hommes de moins de 50 ans – en échange de l’achèvement de son retrait de Gaza.

Enfin et surtout, il y aura un échange de cadavres entre Israël et le Hamas qui marquera la fin finale et officielle de la guerre.

Mais une version différente de l’accord apparaît dans les déclarations et les briefings publiés par le bureau de M. Netanyahou et ses fidèles dans les médias.

Dans cette version, la phase 2 de l’accord reste lettre morte et Israël est déterminé à reprendre la guerre après l’achèvement de la phase 1, même au prix du sacrifice de ses otages masculins. Ne me croyez pas sur parole, faites confiance aux propres collaborateurs et confidents de Netanyahou, comme son chef de cabinet, Yossi Fuchs, qui a écrit mercredi que l’accord  » inclut l’option de reprendre les combats à la fin de la phase 1 si les négociations sur la phase 2 n’évoluent pas d’une manière qui promet la réalisation des objectifs de la guerre : l’anéantissement militaire et civil du Hamas et la libération de tous les otages « .

Relisez ces lignes et demandez-vous comment la phase 2 de l’accord – au cours de laquelle Israël est censé se retirer complètement de Gaza en échange de la libération de tous les otages restants – peut conduire à l’ » anéantissement militaire  » du Hamas ?

De toute évidence, ce n’est pas possible, et le principal conseiller de M. Netanyahou déclare en substance que si tel est le résultat, la guerre reprendra.

Des messages similaires ont déjà commencé à apparaître dans les médias qui soutiennent M. Netanyahou. Amit Segal, proche de Netanyahou sur Channel 12, a écrit un long billet expliquant que la phase 1 de l’accord est nécessaire pour fournir à Donald Trump une réalisation avant son retour dans le bureau ovale, mais que Trump ne se soucie pas vraiment de mettre fin à la guerre et ne s’opposera pas à ce qu’Israël se retire de la phase 2.

Cet effort peut être considéré comme une simple propagande – une tentative de convaincre la base des électeurs de droite de Netanyahou en Israël que l’accord n’est pas aussi mauvais que beaucoup d’entre eux le pensent à l’heure actuelle. Mais ce n’est pas tout. Fuchs et Segal ne savent que trop bien que chaque mot qu’ils écrivent et disent est également surveillé de près par les dirigeants du Hamas à Gaza.

Imaginez les dirigeants du Hamas à Gaza lisant ces déclarations du principal conseiller de Netanyahou et du journaliste qui lui est le plus affilié et se demandant :  » Sommes-nous en train de tomber dans un piège ?

Ces déclarations risquaient de durcir la position du Hamas et de saboter l’accord. Mais heureusement, Netanyahou et Segal ne jouent pas seuls sur le terrain cette fois-ci. Les familles des otages américains détenus à Gaza ont compris en temps réel ce qui se passait et ont utilisé leurs propres canaux d’influence pour s’assurer que la future administration Trump ne permette pas à Netanyahou de saborder le passage de la phase 1 à la phase 2, et avec elle, l’achèvement de l’accord.

Toutefois, le véritable test pour l’administration Trump sur cette question aura lieu dans un mois, à l’approche de la date limite pour la mise en œuvre de la phase 2. Netanyahou et ses fidèles ont clairement fait connaître leurs intentions : ils veulent saborder la deuxième partie de l’accord et éviter de s’engager à mettre fin à la guerre. Il appartiendra au nouveau président américain de faire respecter le texte de l’accord, garantissant la libération de tous les otages et la fin de la guerre.

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