Quatre heures du matin, samedi 20 juillet, il ne reste plus qu’une poignée de députés de gauche, ébahis, et une douzaine de MoDem, complètement déconfits. Après quatorze heures de vote, le bureau est enfin constitué : six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires. Un vrai marathon !
Le communiste Chassaigne battu par Yaël Braun-Pivet de Renaissance, c’est le NFP qui crée la surprise en raflant la majorité absolue au bureau. Cette instance, qui régule les délibérations et organise les services, est désormais sous le contrôle de la gauche. Les Insoumis jubilent : » Quelqu’un a un drapeau palestinien ? « , rigolent-ils, ravis de ce rapport de force qui pourrait changer la donne pour les sanctions disciplinaires, souvent à leur encontre. Benjamin Lucas de Génération.s s’en réjouit : » On tourne la page d’une dérive autoritaire. «
Les députés du NFP n’en reviennent pas de voir la droite et les macronistes perdre une bataille qui semblait gagnée d’avance. Le MoDem, sans aucun poste au bureau, fulmine. Marc Fesneau, président du groupe MoDem, enrage : » Les gens sont allés dormir ! » Quelle bande de bras cassés ! Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, ne cache pas son inconfort face à une cohabitation forcée avec la gauche pendant au moins un an. » Elle est minoritaire dans son propre bureau ! « , ironise Mathilde Panot de LFI.
Dans le détail, Clémence Guetté (LFI) est élue première vice-présidente, suivie de Nadège Abomangoli (LFI) et Naïma Moutchou (Horizons). Annie Genevard (LR), Xavier Breton (LR) et Roland Lescure (Renaissance) complètent la liste. Pour la première fois, les trois postes de questeur sont occupés par des femmes : Christine Pirès Beaune (PS), Brigitte Klinkert (Renaissance) et Michèle Tabarot (LR). Le NFP obtient neuf secrétaires, LIOT deux et Horizons un. Le camp présidentiel n’a que cinq places et LR trois. Le RN, lui, est dégagé du bureau, plus une place, nada !
Le RN, qui avait fait sensation en 2022 avec deux vice-présidences, perd tout au profit de la droite républicaine. Marine Le Pen dénonce des » magouilles » entre LR et la Macronie. Mais leur tactique opportuniste se retourne contre eux : en faisant élire deux vice-présidentes LFI, ils ont sabordé leurs propres chances.
À minuit, les macronistes, trop confiants, baissent la garde. La gauche, presque au complet, s’allie avec LIOT pour faire élire neuf secrétaires du NFP. Tout s’est joué entre minuit et 4 heures du matin. La journée avait pris un tournant dramatique dès le premier tour de l’élection des vice-présidents. Dix enveloppes en trop dans l’urne ont conduit à l’annulation du scrutin pour irrégularités. Marine Le Pen, prudente, évite de crier à la fraude. Mais la suspicion est bien là.
Quatre heures plus tard, l’Hémicycle s’enflamme. Le député LR Ian Boucard accuse le RN d’avoir choisi le chaos en faisant élire des vice-présidentes LFI. Gérald Darmanin, avec son ironie habituelle, propose aux LFI de » serrer la main » du RN. Mathilde Panot rétorque : » Nous n’avons jamais mis un bulletin pour l’extrême droite, et nous n’en mettrons jamais ! «
Marine Le Pen jubile, la gauche et les macronistes s’écharpent, et on semble oublier la fraude de la soirée. Jérôme Guedj (PS) rappelle la gravité de l’événement : » Une fraude a été organisée dans notre assemblée. Honte à ceux qui ont pratiqué cette fraude ! «
Le spectacle donné par les députés est affligeant. Les tensions, la fatigue et la chaleur exacerbent les clivages politiques. La stratégie du RN de frapper d’infamie ceux qui bénéficient de ses votes fonctionne à merveille. Aujourd’hui LFI, hier les macronistes, et demain ?
La première réunion des présidents de groupe, à couteaux tirés, n’augure rien de bon. Les poids lourds du Palais-Bourbon s’invectivent sans ménagement. En quelques heures, l’Hémicycle a été témoin d’une suspicion de fraude, d’une séance éruptive, et d’un retournement de situation majeur. Ce début de législature a littéralement mis le Palais-Bourbon sens dessus dessous.