” Il faut sauver le fret ferroviaire “. Tel était le mantra des années 90, alors que l’ouverture à la concurrence du rail devenait inévitable. Derrière cette déclaration se cachait une réalité plus sombre : la privatisation rampante du secteur ferroviaire. En 1950, 2/3 des marchandises passaient par le rail ; en 1990, ce chiffre était tombé à 18,9 %, au profit de la route qui s’accaparait 71 % des volumes.
Fret SNCF, victime de la concurrence imposée
Le 31 mars 2006, le transport ferroviaire de marchandises fut ouvert à la concurrence. Fret SNCF, jadis tenue à des objectifs de volume, se voyait désormais imposer des objectifs de rentabilité. Les cheminots en payèrent le prix fort : de 15 000 employés en 2009, ils ne sont plus que 5 500 aujourd’hui. Les réorganisations incessantes ont détruit les collectifs de travail et épuisé les salariés.
Les excuses pour les échecs successifs de l’entreprise sont toujours les mêmes : grèves, crises économiques, intempéries. Pourtant, ces facteurs externes sont les conséquences directes du capitalisme que ces mêmes dirigeants servent. Les restructurations, loin de sauver l’entreprise, n’ont fait qu’engranger des aides en échange de sacrifices humains et professionnels énormes.
La Fin Programmé du Service Public
En 2018, une grève perlée contre la réforme du quatrième paquet ferroviaire, menée par Elisabeth Borne, alors ministre des Transports, scellait le sort de Fret SNCF. Cette réforme a ouvert le transport de voyageurs à la concurrence et fracturé la SNCF en cinq entités. Fret SNCF, désormais Société par Actions Simplifiée (SAS), se retrouve sans Conseil d’Administration, une situation précaire qui a toujours inquiété les élus du CSE.
Les années 2020-2022, marquées par la pandémie de COVID-19, ont montré l’importance du transport de fret ferroviaire. Pourtant, en janvier 2023, une nouvelle enquête de la Commission Européenne visait les aides d’État reçues par Fret SNCF entre 2009 et 2019, estimées à 5,3 milliards d’euros. Cette enquête est une attaque directe contre le principal opérateur ferroviaire français, essentiel pour le transport décarboné dans un contexte de crise climatique.
Les plaintes déposées par des concurrents en 2016 avaient pourtant été retirées en 2020. Pourquoi la Commission Européenne persiste-t-elle à s’acharner sur Fret SNCF ? Les dirigeants de Fret SNCF et le ministre des Transports, Clément Beaune, ont rapidement baissé les bras, acceptant un plan de discontinuité qui signe la mort de Fret SNCF.
Un Plan de Discontinuité pour Détruire Fret SNCF
Le plan de discontinuité, surnommé “disco”, impose à Fret SNCF de se séparer de ses trafics les plus rentables. Ces trafics, représentant 30 % des volumes transportés, sont offerts en pâture aux concurrents. En cas d’incapacité de ces derniers à assurer le service, Fret SNCF devra continuer à le faire en tant que sous-traitant, mais sans pouvoir répondre à de nouveaux appels d’offres pendant 10 ans.
Le coup de grâce vient avec la liquidation programmée de Fret SNCF au 31 décembre 2024. Deux nouvelles entités, dont les noms restent inconnus, prendront le relais, mais sans aucune mention de la SNCF. Les cheminots seront transférés automatiquement, conservant leur statut pour combien de temps encore ? Les accords collectifs ne seront maintenus que 15 mois, laissant peu de temps pour organiser une défense efficace des droits des travailleurs.
Une Trahison d’État
La destruction de Fret SNCF est un exemple flagrant de sabotage d’État au service du néolibéralisme. Les cheminots, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité, voient leurs efforts trahis par des dirigeants incapables de défendre le service public. Cette situation exige une prise de conscience collective : il est temps de se battre contre la privatisation rampante et pour la justice sociale.