Une réforme qui crache au visage des kanaks
Depuis lundi, la Kanaki est à feu et à sang. Les jeunes Kanaks, épris d’indépendance, en ont assez de se faire marcher dessus par un État français dédaigneux. ” Je suis triste de voir mon pays dans cet état et j’ai le sentiment de ne pas être compris en hexagone “, dit George, 21 ans, étudiant exilé en France.
Cette explosion de violence trouve son origine dans un vote à l’Assemblée nationale. Une réforme constitutionnelle, concoctée dans les bureaux parisiens, prétend élargir le corps électoral en incluant ceux arrivés sur l’île depuis dix ans. Une manœuvre grossière pour noyer la voix des Kanaks, autochtones représentant 41,2 % de la population de l’archipel. ” C’est un retour en arrière dans le processus de décolonisation “, fulmine Gabriel, militant indépendantiste Kanak.
La réforme vise à étouffer les voix dissidentes, ajoutant des électeurs indifférents à l’histoire et à la culture kanake. Une tentative désespérée de maintenir le contrôle sur une région riche en nickel. ” Le seul mot qui revient à la bouche de certains, c’est le nickel “, ironise George.
Paris, la distance arrogante
Le dégel du corps électoral, c’est fouler aux pieds les accords de Matignon et de Nouméa, fondements de l’autodétermination calédonienne. ” Dégeler le corps électoral remet en cause l’irréversibilité de ces accords “, explique Vish, fonctionnaire de Nouméa. Pour Gabriel, voir cette réforme imposée depuis Paris, sans la moindre consultation, est une insulte. ” On ne peut pas décider à 17 000 km de l’avenir d’un peuple. On ne se sent pas respectés “, assène George.
Ces événements ravivent les souvenirs amers des années 1980, lorsque l’île était en quasi-guerre civile. La jeunesse actuelle voit un parallèle glaçant avec les luttes sanglantes qui ont précédé les accords de Matignon. ” La violence, la radicalisation… “, énumère George, dont le grand-père a été massacré à la grotte d’Ouvéa en 1988.
Pour les Kanaks en hexagone, la situation est intenable. ” C’est difficile de vivre ici alors que nos quartiers brûlent et que nos familles ont peur. On n’a pas le pouvoir de changer les choses “, confie George. Wevia, étudiante en science politique, ressent la même frustration. ” Quand je regarde tout ça de l’étranger, on ne parle que des gendarmes qui sont morts, pas de nos jeunes. “
Ce diktat parisien est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. ” Je suis fière d’être Kanak, mais on est en train de se tirer dessus “, déplore Wevia. La situation en Kanaki prouve une fois de plus que le colonialisme français, sous ses airs modernes, reste une saleté impérialiste indigne.