L’élection de Stefanos Kasselakis à la tête du parti, marque la “deuxième mort” de Syriza, la première étant survenue en été 2015 lorsque Tsipras accepta les conditions drastiques de la Troïka, pivotant le parti de l’anti-austérité vers une acceptation de mesures néolibérales sévères.
La trajectoire de Syriza depuis cette capitulation reflète les observations de Marx dans “Le Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte” sur la répétition des événements historiques : la première fois comme tragédie et la seconde comme farce. L’ascension de Kasselakis, avec son profil de nouveau riche et son utilisation habile des médias sociaux, incarne cette farce, soulignant un éloignement encore plus marqué des principes initiaux de Syriza.
L’engagement de Syriza dans des politiques d’austérité et sa transformation en un véhicule de néolibéralisme ont été consolidés par l’adoption de politiques qui ont déçu son électorat, qui lui a sévèrement fait payer lors des scrutins de 2019. La restructuration du parti sous Tsipras, qui a transformé Syriza en une machine électorale centrée sur le leader plutôt qu’une entité avec des racines militantes solides, a préparé le terrain pour l’émergence de figures comme Kasselakis.
Le cas de Kasselakis est particulièrement révélateur de la vulnérabilité des partis de gauche radicale qui accèdent au pouvoir par les urnes. Son inexpérience et ses liens avec les élites économiques et médiatiques soulignent une dérive vers un centrisme qui trahit les espoirs de changement radical. Sa popularité, propulsée non pas par un engagement politique profond mais par une campagne de relations publiques, reflète la transformation de Syriza en une coquille vide, privée de la substance militante qui lui avait donné vie.
La transformation de Syriza en un parti qui pourrait être perçu comme un équivalent grec du Parti Démocrate américain est un témoignage de cette dérive, éloignant le parti non seulement de ses racines de gauche radicale mais aussi de tout potentiel révolutionnaire ou transformateur. L’évolution de Syriza illustre une leçon amère mais nécessaire : les partis de gauche radicale qui cherchent à réaliser des changements profonds par les mécanismes électoraux traditionnels sont inévitablement absorbés par le système qu’ils aspirent à changer. De la Grèce à l’Espagne, tout parti de gauche radicale a suivi le même chemin tragique, d’abord comme drame, puis comme farce, menant immanquablement à sa propre disparition dans le cadre même du système qu’il espérait transformer.