Imaginez la scène : des centaines de personnes à vélo, déguisées en animaux, entourées de champs de maïs et un hélico qui bourdonne au-dessus d’elles. Face à la mégabassine des fermes-usines Pampr’oeuf, gardée par des gendarmes, le cortège s’arrête. Une troupe sort des cerfs-volants en forme de papillons menacés. Le vent se lève, et les cerfs-volants s’envolent vers la bassine.
Les gendarmes, complètement paumés, ne savent pas quoi faire. La foule retient son souffle. Le papillon atteint le centre de la bassine et lâche un panier de joncs rempli de lentilles d’eau et de semences. Explosion de joie dans la foule ! » Le papillon vient de pondre un œuf ! » Un coup de maître qui pourrait bien gripper les rouages de cette infrastructure.
» Les lentilles flottent maintenant à la surface de cette bassine « , raconte Coriandre, un des activistes. Leur objectif ? Faire proliférer ces plantes aquatiques jusqu’à bloquer la pompe et les tuyaux. En gros, ils espèrent que la nature reprenne ses droits et force la vidange du système.
La revanche du vivant
Ces lentilles d’eau, emblèmes des zones humides en voie de disparition à cause de l’agro-industrie, symbolisent la revanche du vivant. » La lentille recolonise l’eau qu’on lui a volée « , explique Coriandre. Un symbole fort face à l’accaparement de l’eau par les fermes-usines.
Mais attention, les bassines ne deviendront jamais des havres de biodiversité. Avocette, une autre naturaliste, insiste : » L’objectif est de rendre ces infrastructures inopérantes et inactives, par tous les moyens à notre disposition : recours juridiques, débâchages, coups de cutter et alliances interespèces. «
Une tactique rusée
Pendant que les lentilles d’eau continuent leur boulot, les activistes soulignent la dimension poétique et tactique de leur action. Lemna, botaniste, avoue : » On ne peut pas affirmer que les lentilles vont tout boucher, mais on compte sur l’imprévisibilité du vivant. «
L’efficacité de l’opération réside aussi dans l’ouverture des imaginaires. Coriandre ajoute : » Cette action crée de la joie et ne fait pas peur. Elle inspire et montre qu’on peut lutter autrement. » En utilisant des méthodes simples et astucieuses, les militants déjouent les dispositifs policiers et maintiennent la pression.
Une longue tradition de résistance
Cette action s’inscrit dans une longue tradition de résistance à l’agro-industrie. Depuis des décennies, des paysans en Argentine utilisent des bombes à graines pour lutter contre Monsanto. Les Naturalistes des terres, créés l’année dernière, poursuivent cette lutte en menant des » actions naturalistes de masse « .
Ces actions vont au-delà de la simple protestation. Ils érigent des nichoirs, creusent des mares et créent des habitats pour les espèces protégées. Ils n’hésitent pas à opter pour l’illégalité, comme lorsqu’ils ont rebouché des canalisations pour protéger une tourbière ou cherché à faire revenir des espèces menacées pour ralentir un projet d’autoroute.
Un tournant prometteur
L’implication des naturalistes est un tournant prometteur. Leur expertise et leur créativité apportent une nouvelle dimension à la lutte contre l’agro-industrie. Leurs actions montrent que la résistance peut être joyeuse, inventive et efficace.
En conclusion, ces activistes ne se contentent pas de protester, ils agissent concrètement pour saboter les projets destructeurs. Leur message est clair : la nature se rebelle et ils ne reculeront devant rien pour la défendre. Un vent de révolte souffle sur les mégabassines, et ce n’est que le début.