On pourrait croire qu’on exagère, mais non. Alors que le public manque cruellement de moyens, des millions d’euros ont été attribués à des établissements privés sous la forme de subventions “facultatives”. Vous savez, ces fameux “bonus” que les régions peuvent décider d’allouer en plus des financements obligatoires. Or, ces bonus sont censés être facultatifs, mais étrangement, ils finissent systématiquement dans les poches des établissements privés les plus huppés. Un petit cadeau, ni vu ni connu, pendant que les établissements publics doivent se contenter des miettes.
Des Cadeaux pour les Lycées Privés, Rien pour le Public
Prenons l’exemple du lycée Sainte-Geneviève, à Versailles, ce charmant petit établissement catholique situé dans les beaux quartiers. Celui-là même où Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a étudié. Depuis 2020, cet établissement a touché la bagatelle de 1,6 million d’euros en subventions régionales, tout ça pour des rénovations et des agrandissements. Oui, pendant que certains lycées publics en Île-de-France se battent pour avoir des salles de classe décentes et des toilettes fonctionnelles, Sainte-Geneviève se refait une beauté aux frais du contribuable.
Et ce n’est pas un cas isolé. Dans d’autres régions, c’est la même rengaine. En Auvergne-Rhône-Alpes, la région dirigée par Laurent Wauquiez a distribué pas moins de 261 millions d’euros en subventions aux lycées privés entre 2016 et 2023. 261 millions d’euros ! Pendant ce temps, dans le public, on répare les fenêtres avec du scotch et on essaie tant bien que mal de garder les élèves au chaud en hiver.
Et ne parlons même pas des aides qui pleuvent sur les lycées privés problématiques. Prenez Stanislas, ce lycée élitiste de Paris qui a été épinglé par un rapport de l’inspection générale pour des comportements sexistes et homophobes. Eh bien, malgré tout, cet établissement a reçu 1,5 million d’euros de subventions supplémentaires en huit ans. Oui, oui, un lycée déjà plein aux as, avec ses sept gymnases, deux murs d’escalade et deux piscines, continue de s’en mettre plein les poches pendant que le public rame.
Les Régions Complices d’un Système Biaisé
Les régions, notamment celles dirigées par la droite, sont devenues les meilleures amies des écoles privées. En théorie, elles ne devraient financer que les frais de fonctionnement des lycées sous contrat, comme le chauffage, l’eau ou le matériel. Mais non, elles ont décidé de faire des petits cadeaux supplémentaires, sous forme de subventions “facultatives”, histoire d’aider un peu plus leurs copains du privé.
Les chiffres sont clairs : sur les 1,2 milliard d’euros de subventions supplémentaires, les régions les plus généreuses sont quasiment toutes à droite. Au sommet, on retrouve l’Auvergne-Rhône-Alpes de Laurent Wauquiez avec 261 millions d’euros, suivie de près par les Pays de la Loire, également à droite, avec 234 millions d’euros. C’est donc sans surprise que les établissements privés de ces régions se retrouvent mieux lotis que les lycées publics, avec des subventions qui leur permettent de se moderniser et d’attirer encore plus d’élèves issus des milieux favorisés.
Mais ce n’est pas tout. Même dans des régions plus socialement ancrées, la générosité envers le privé est stupéfiante. En Bretagne, par exemple, où un socialiste est aux commandes, les subventions “facultatives” pour les lycées privés atteignent en moyenne 5 610 euros par élève, un montant qui surpasse largement la plupart des régions françaises. Et tout cela dans une région où 41 % des lycéens sont déjà scolarisés dans le privé. On marche sur la tête !
La Sélection Sociale Couverte par des Millions d’Euros
Le pire dans tout ça, c’est que ce flot de subventions ne fait qu’accentuer les inégalités. Les lycées privés bénéficient déjà de financements issus des frais de scolarité, des dons de riches mécènes, voire du mécénat d’entreprise. Et pourtant, les régions continuent de les arroser d’argent public, leur permettant d’investir massivement dans des infrastructures modernes, des équipements high-tech et des bâtiments flambant neufs. Résultat : le fossé entre le privé et le public se creuse de plus en plus.
La sélection sociale devient de plus en plus marquée. Les lycées privés, déjà fréquentés par les élèves des milieux favorisés, deviennent encore plus attractifs, grâce à ces “bonus”. Les parents riches se tournent vers ces établissements, assurés que leurs enfants y trouveront des conditions d’apprentissage bien meilleures que dans les lycées publics. Et qui finance tout ça ? Vous, moi, nous tous. Nos impôts servent à financer l’entre-soi des riches, tandis que les établissements publics doivent se battre pour des broutilles.
Comme le souligne Benoît Hamon, ancien ministre socialiste de l’Éducation nationale, ” les principaux postes budgétaires des lycées privés sont déjà couverts par l’État. Et en plus, on leur donne encore la possibilité de s’agrandir et de se moderniser. C’est une asymétrie insupportable entre le public et le privé. ” Mais rien n’y fait, on continue d’arroser les lycées privés comme s’ils en avaient besoin.
Pas de Contrôle, Pas de Transparence
La question que l’on doit se poser, c’est : où est la transparence dans tout ça ? Pourquoi est-ce que ces subventions sont distribuées sans que personne ne semble en avoir connaissance ? Ni le ministère de l’Éducation, ni la Cour des comptes, ni même les conseils académiques n’ont un véritable contrôle sur ces versements. Pire encore, certaines académies ne se réunissent même pas pour examiner ces subventions, laissant les régions faire comme bon leur semble. On est dans une espèce de zone de non-droit où les lycées privés peuvent réclamer des millions sans rendre de comptes à personne.
En réponse à ces révélations, le ministère a timidement annoncé qu’il allait exiger des académies qu’elles se réunissent systématiquement pour examiner les concours facultatifs des régions aux établissements privés. Mais c’est trop peu, trop tard. Le mal est déjà fait. Ces milliards d’euros ont déjà filé vers des établissements qui n’en avaient pas besoin. Et pendant ce temps, les lycées publics continuent de s’enliser dans des bâtiments délabrés, avec des moyens de plus en plus limités.
Le Séparatisme Scolaire : Une Réalité
Ce qui se dessine en France aujourd’hui, c’est un véritable séparatisme scolaire. On ne peut plus parler d’égalité des chances quand les lycées privés reçoivent de l’argent à ne plus savoir quoi en faire, tandis que les lycées publics doivent mendier pour obtenir des fonds pour des rénovations basiques. On crée une France à deux vitesses, où seuls les plus riches peuvent s’offrir une éducation de qualité, tandis que les autres sont relégués dans des établissements publics en piteux état.
Céline Malaisé, membre du conseil régional d’Île-de-France, a bien raison de dire : ” L’argent public doit aller au public. ” Mais visiblement, ce principe de base échappe aux dirigeants de nombreuses régions qui préfèrent financer l’entre-soi plutôt que de s’occuper des lycées publics en difficulté.
On peut comprendre que certaines régions rurales aient besoin de soutenir des lycées privés agricoles ou techniques faute d’alternative publique. Mais quand ces subventions profitent à des lycées élitistes et urbains, cela devient un véritable problème de justice sociale. On finance l’injustice avec l’argent du contribuable, tout simplement.