Pour en finir avec Vučić, le nationalisme et le libéralisme, place à la lutte des classes !

Le 15 avril, quatre-vingt étudiant·es serbes sont arrivé·es à Strasbourg à vélo. Parti·es de Novi Sad, ils et elles dénoncent la corruption, les morts causées par des marchés publics pourris, et les répressions à répétition. Mais leur message dépasse la simple critique du régime Vučić : ils réclament une autre société, par la base, contre toutes les dominations.

C’est pas tous les jours qu’on voit ça. Des gamin·es sur leurs bécanes, 1 400 kilomètres dans les pattes, de Novi Sad à Strasbourg, juste pour foutre un coup de pompe dans la fourmilière politique européenne. Mais faut dire que ça chauffe sévère en Serbie. Depuis que le toit d’une gare flambant neuve s’est écroulé en novembre 2024, tuant seize personnes, la jeunesse ne veut plus fermer sa gueule. Cette gare, elle venait d’être rénovée par un joli trio d’entreprises chinoises, hongroises et françaises. Corruption à tous les étages, bien sûr. Le vernis du développement capitaliste s’est effondré, comme le béton.

Alors, la jeunesse a enfourché ses vélos, traversé Bratislava, Vienne, Munich, avant d’atterrir à Strasbourg. Objectif ? Dénoncer un régime autoritaire et mafieux, mené par Vučić, dont les flics utilisent désormais des canons sonores de type militaire pour disperser les manifs. En mars dernier, pendant que 300 000 personnes occupaient Belgrade, c’est par la trouille et le vacarme qu’on a voulu les faire taire.

Et ça, les étudiant·es l’ont bien compris : face à un État corrompu, violent, copain avec les pires groupes néo-fascistes et copain-copain avec Macron, faut pas juste demander gentiment. Faut foutre un coup de pied dans la fourmilière. Alors, en arrivant à Strasbourg, c’est pas des petits mots doux qu’ils ont lâchés. Ils ont remis en cause tout le système.

Parce que derrière Vučić et ses potes de la droite radicale serbe, y’a pas juste des flics trop zélés. Y’a aussi une vieille idéologie pourrie jusqu’à la moelle : le rêve d’une  » Grande Serbie « , fondée sur l’ethnonationalisme, le mépris des Kosovars, des minorités, et une fascination pour le pouvoir viril et autoritaire. Ce vieux délire nationaliste, il continue de pulluler, de manipuler, de menacer.

Mais attention, tout ça n’est qu’un des deux visages du même monstre. En face, t’as les partisans de l’intégration à l’Union européenne, qui chantent les louanges de la démocratie libérale pendant que Bruxelles ferme les yeux sur la répression, et que Macron serre la pince de Vučić. Pourquoi ? Parce que la France a mis la main sur l’aéroport de Belgrade, et que l’Allemagne bave sur les gisements de lithium serbe. Le fric avant la justice, la realpolitik avant les droits humains.

Mais cette jeunesse-là ne tombe pas dans le panneau. Elle refuse de choisir entre la peste nationaliste et le choléra néolibéral. Elle ne croit plus aux promesses creuses de l’UE, pas plus qu’aux délires identitaires des fachos locaux. Elle construit autre chose. Par la base. Sans chef. En plénum, à l’horizontale, en faisant tourner les rôles, en limitant les prises de parole pour que tout le monde puisse causer. Voilà une démocratie qu’on voit rarement sur les plateaux télé.

Et leur lutte est bien plus qu’une lutte nationale. Elle est antifasciste, parce qu’elle rejette la haine de l’autre. Elle est féministe, parce qu’elle refuse le virilisme au pouvoir. Elle est écolo, parce qu’elle défend la vie contre la prédation capitaliste. Et surtout, elle est de classe. Parce qu’elle s’attaque à la racine : l’exploitation. Elle sait que ce système repose sur le vol du travail des autres, sur la répression de celles et ceux qui refusent de plier, sur la soumission aux puissants.

Alors non, les étudiant·es serbes ne rêvent pas d’une simple alternance. Iels veulent une révolution sociale, une société construite depuis la base, où la démocratie ne sera pas un mot mais un geste quotidien. Où l’économie sera au service de la vie, et non l’inverse. Et iels montrent que c’est possible, en s’organisant déjà autrement.

À l’heure où les luttes se fragmentent, où l’extrême droite ramasse les miettes de la misère, où les libéraux déguisés en humanistes bradent la souveraineté populaire pour quelques contrats juteux, cette jeunesse nous rappelle une chose simple : tant qu’on se contentera de choisir entre les deux faces du capitalisme, on creusera notre propre tombe.

Mais si on choisit, comme elle, de se battre pour autre chose, alors rien n’est perdu. Parce qu’un monde nouveau se construit toujours d’abord dans les marges, dans les rues, dans les assemblées, sur les pédales de quelques étudiant·es furieux·ses. Et ce monde, même s’il roule encore à petite vitesse, il est déjà en route.

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