À l’ouest de l’Euphrate, les Kurdes du Rojava tentent tant bien que mal de consolider leur territoire, mais les forces turques et leurs supplétifs n’attendent qu’un faux pas pour les écraser. Pendant ce temps, le régime de Bachar el-Assad, autrefois si sûr de son emprise, voit ses troupes se volatiliser face à une offensive d’Hayat Tahrir al-Sham (HTS) qui enfonce ses positions avec une facilité déconcertante.
La galaxie islamiste en Syrie est éclatée en trois forces principales. Daech, réduit à une organisation clandestine, continue de tisser ses réseaux souterrains. L’Armée nationale syrienne (ANS), bras armé d’Ankara, occupe des territoires stratégiques depuis 2018, notamment Afrin, Serekanie et al-Bab. Enfin, HTS domine la région d’Idlib, sous perfusion logistique de la Turquie. C’est ce dernier groupe qui, ces dernières semaines, a déclenché une offensive d’envergure.
Avec l’aval tacite d’Ankara, qui contrôle les approvisionnements vers Idlib, HTS a frappé fort. En quelques jours, les islamistes ont mis la main sur une grande partie d’Alep, 50 villages et plusieurs bases militaires. Cette région, reprise par le régime en 2016 au prix de combats acharnés, semble de nouveau lui échapper. La suite ? Une progression vers Hama, où les troupes loyalistes, démoralisées, se débandent sans réelle résistance.
Dans ce chaos, les forces kurdes du Rojava voient une opportunité de réunifier leurs territoires fragmentés. Divisés en trois zones – Manbij, les quartiers kurdes d’Alep et Sheba/Tall Rifaat –, ils profitent de l’effondrement des forces du régime pour établir des corridors entre ces bastions. Renforcés par les Forces démocratiques syriennes (FDS), les YPG et YPJ avancent sans livrer combat pour l’instant. Mais cette accalmie pourrait être de courte durée. Les bombardements turcs s’intensifient et l’ANS, fidèle à Ankara, grignote du terrain depuis al-Bab, menaçant directement les corridors kurdes.
La situation soulève deux grandes questions : jusqu’où ira la crise du régime syrien, et que mijote la Turquie ? L’effondrement des forces loyalistes offre à Ankara une excuse rêvée pour lancer une nouvelle offensive contre les Kurdes. Pendant ce temps, la communauté internationale détourne les yeux, laissant la Turquie et ses supplétifs remodeler la région à coups de bombes et de déplacements de population.
La Syrie, théâtre d’un désastre humain sans fin, continue de servir d’arène aux ambitions des puissances régionales et internationales, au détriment des populations locales qui paient le prix fort. Force au combattant du Rojava!